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Photo du rédacteurCécile écrit parfois

La cabane d'Emile




Les rayons obliques du soleil de fin de journée entrent dans la cabane par ses deux petites fenêtres, dehors l’air est en train de fraîchir mais il fait bon dans la cabane. La bouilloire chantonne sur le poêle, un vrai poêle qu’Emile a installé récemment pour que ses invités soient au chaud, dans ce cocon douillet.

Dehors les oiseaux qui ont recommencé à chanter depuis quelques temps saluent de leurs trilles le soleil couchant. Le long du chemin de la cabane, les amandiers sont en pleine floraison. Cette fois, c’est gagné, le printemps est bien là, plein de promesses et de vie.

L’hiver, aussi dur soit-il, n’est qu’une saison, aussi bien dans la nature que dans notre coeur.

Notre vie serait tellement plus harmonieuse si nous savions comme les plantes dans la nature, patienter humblement dans les épreuves, et fleurir quand le printemps réveille la vie.

Le réveil tictaque régulièrement, le bois qui se consume dans le poêle ronronne sourdement. On entend le murmure du torrent, plus bas dans le vallon. Je ne l’avais pas entendu depuis mon arrivée, il a fait sec pendant si longtemps que la rivière ne ressemblait plus qu’à un tout petit ruisseau qui faisait presque pitié à voir et il n’y a pas eu beaucoup de neige dans les hauteurs cette année. La pluie des trois derniers jours, trois jours et deux nuits presque sans arrêt, a redonné à la rivière son courant et sa voix. Les jours sont encore courts et les derniers rayons du soleil ont disparu derrière la montagne, les oiseaux se taisent les uns après les autres, c’est l’heure du repos. Pour le reste, tout est silencieux, un silence fort et dense après ces journées et ces nuits où sans cesse la pluie picotait bruyamment le toit de la cabane.

Je sors sur le pas de la porte, les arbres et les montagnes dessinent leurs ombres dans cette obscurité naissante qui recouvre tout.

Décidément, l’usage de la solitude est une véritable bénédiction dans la cabane d’Emile.

La nuit tombe très vite, le ciel reste très couvert, tournant au gris anthracite de nuages bas. Je regarde le ciel pour voir s’il existe encore quelque part une petite percée et d’un coup je vois briller une étoile, claire, belle. Et quelques instants après, une deuxième, comme si le ciel allumait ses lumières pour fêter l’arrêt de la pluie.

Il commence à faire froid, il est temps de rentrer dans mon cocon douillet.

Sur la table, deux bougies éclairent la pièce en silence.

C'est sommaire et il y a tout ce qu'il faut : le poêle, une table et deux chaises, une étagère en bois brut grossièrement taillée, sur laquelle un garde-manger grillagé et quelques pièces de vaisselle permettent de cuisiner et de manger. Il y a une petite mezzanine sous l'appentis du toit à laquelle on accède par une petite échelle de meunier. C'est là que je dors, juste sous le toit et une montagne de couvertures. Le long du lit, des livres sont alignés sur une étagère. J'aimerais piocher au hasard et lire les livres d'Emile, mais ils sont en néerlandais. Emile est néerlandais. J'apporte toujours mes livres quand je viens ici. De toute façon, où que j'aille j'apporte toujours mes livres avec moi.

Deux loirs vivent là, le soir je les vois pointer leurs nez au-dessus de la poutre maîtresse et m’observer. Ce sont des compagnons de cabane jolis et discrets.

Il n'y a pas de toilettes, juste une petite pelle pliante pour aller creuser son trou, quelque part dans la montagne alentours. Aucune crainte d'être surprise, il n'y a que des bestioles pour témoins. La réserve d'eau et la salle de bain, c'est le torrent plus bas. Un seau métallique permet de remonter de l'eau pour les jours de pluie ou de froid. On le pose alors sur le poêle. Quand l'eau est chaude, on la verse dans une vasque de porcelaine fleurie un peu ébréchée et on fait sa toilette au gant, près du poêle, et c'est revigorant. Pour le linge et la vaisselle il en est de même. En été, on fait tout directement à l'eau du torrent. J'aime tout faire directement à l'eau du torrent.

Je regarde la petite cafetière dont Emile m’a dit être particulièrement content. Il m’a raconté que sa sœur, voyant combien il admirait cette petite cafetière, lui en avait fait cadeau. C’est vrai qu’elle est jolie cette petite cafetière. Moi qui ne bois que très rarement du café, je croyais que je m’en servirai peu, ou juste en cas de visites, très rares ici. Je m’en sers tous les matins. Ici, je bois du café tous les matins. Et elle est très pratique, très simple et extra-rapide, la plus rapide des petites cafetières que j’aie eu la chance de rencontrer. Une fois qu’on a de l’eau bouillante (et j’en ai facilement avec la bouilloire qui est constamment sur le poêle), il suffit de deux minutes et le café est fait.

Le plus amusant de tout c’est que cette petite cafetière est transparente, je peux donc voir tout ce qui se passe et j’aime ça. (Un de mes rêves serait de voir un jour un moteur de voiture tout en verre pour le voir fonctionner, voir tout ce qui se passe à l’intérieur.)

Je savoure à l’avance l’idée que si j’avais une visite, je pourrai faire un petit café, dans la petite cafetière, servi dans une petite tasse avec une petite cuillère.

Pourvu que cet hypothétique visiteur ne me dise pas qu’il n’aime pas le café...

Ce serait vraiment très déplacé.

Je vais lire, et m’endormir, d’un sommeil plein et profond dans ce calme et ces murmures, avec derrière mes paupières fermées, les images réconfortantes de la montagne et de la nature tout autour. Peut-être que cette nuit une chouette chantera, ou un autre animal nocturne se glissera sur le toit. Je n'ai pas peur. Je sais que la pleine nature est bien moins dangereuse que là où il y a des humains... je suis en sécurité, je suis en paix.

Demain, il me faudra vider les cendres du poêle, raviver les braises et remplir la bouilloire pour faire chauffer l'eau et me faire un petit café. Et puis après ma toilette, maintenant qu’il ne pleut plus, j'irai marcher, les yeux grands ouverts dans cette montagne que j'ai appris à aimer.

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