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Coming-out (Bonané !)





On est le premier janvier 2022, c’est une nouvelle année qui naît aujourd’hui.

Enfin… qui naît… tout ça c’est comme ça parce nous sommes des êtres de cycles, celui des saisons déjà, celui du jour et de la nuit, celui de notre ingestion/digestion/excrétion, celui du trajet du sang dans nos veines au rythme des battements de nos coeurs, des informations micro-électriques qui circulent dans nos systèmes nerveux... des cycles quoi.

Alors, guidés par notre nature profonde et universelle, nous,on a inventé les années.

Et la voilà cette nouvelle année, elle commence aujourd’hui.

Là, on est le soir, l’heure, je sais pas trop, ça fait un moment qu’il fait nuit mais j’ai mon téléphone qui est mort et je me retrouve dans une étrange posture…

En cette journée ultra demandeuse de communication (notre irrépressible besoin de cycles…) je suis solitaire et j’écoute ma playlist 2021 au casque depuis quelques heures.

Il y a 101 morceaux, 101 morceaux de musique que j’ai eu envie de partager sur un réseau social (notre irrépressible besoin de dopamine…) parce que j’ai envie de partager ces morceaux.

Chacun peut être le reflet de mon état du moment ou une simple découverte heureuse, j’aime les partager, comme j’ai aimé être disquaire.

Quand j’écoute de la musique au casque, si je ferme les yeux, la musique que j’écoute (forte de préférence, j’aime quand ça m’englobe), donc la musique prend des formes, dessine des trajets, des mouvements, en couleur.

Chaque instrument, chaque harmonie, chaque rythme, chaque parole, chacun se traduit par une sorte de dessin et l’ensemble constitue une sorte de dessin animé interne, de toutes les couleurs, qui me traverse et évoque des déplacements à l’intérieur de moi et dans ma bulle personnelle.

C’est très compliqué à traduire en mots, vous pouvez peut-être imaginer l’effet que me font 101 morceaux de musique qui m’ont émue tout le long de l’année en concentré comme ça, un lendemain de fête (putain, ce qu’on a rigolé, chanté, dansé, parlé… et bu... une putain de bonne entorse d’amour à mes fucking traitements).

J’ai une synesthésie, ça s’appelle comme ça.

Je le sais (sans le savoir, sans le nommer) depuis que j’ai 10 ans à peu près, quand j’étais allée en vacances chez mon cousin Riquet, passionné de musique, d’électronique, d’éclairages et d’informatique et qu’il m’a fait découvrir des groupes tels que Pink Floyd et Tangerine Dream.

Il avait installé un véritable univers hallucinant pour moi dans sa chambre, c’était un grand et il m’invitait à écouter de la musique et me faisait voir les effets des éclairages et stroboscopes qu’il avait fabriqués. Il m’a mis un jour un casque sur les oreilles et m’a dit de fermer les yeux. Tangerine Dream. Là mon dessin animé intérieur s’est allumé, comme par magie. C’est un beau cadeau qu’il m’a fait Riquet ce jour-là parce que dès que j’ai pu, j’ai écouté des disques au casque.

Je jouais souvent depuis toute petite à créer des kaléidoscopes derrière mes paupières, notamment la nuit, en faisant jouer mes yeux sous mes paupières et en les frottant tout doucement, mais je n’avais jamais vu ça avec mes « yeux du dedans ».

J’ai cru que c’était tout ça que Riquet voulait me faire découvrir, le son et l’image intérieure qui va avec. J’ai cru que ça faisait ça à tout le monde.

J’ai découvert il y a quelques mois que ce n’est pas le cas de tout le monde et ça fait un drôle d’effet… en tout cas j’ai beaucoup ri de moi.

J’ai découvert à 55 ans que je ne suis pas comme tout le monde, que j’ai une synesthésie.

Normalement, le cerveau traite les informations qui arrivent de chaque sens (vue, son, odorat...) par des circuits bien différenciés, un pour chaque sens.

Ben moi, j’en ai trois qui sont traités ensemble : le son, la vue et le vestibulaire.

J’ai découvert ça ouvertement en me faisant faire un bilan psychomoteur, ça s’appelle un profil sensoriel. C’était très surprenant et drôle de me rendre compte de ça, alors que je le vivais moi-même et que je n’avais pas compris que ça ne faisait pas ça à tout le monde.

Ces bilans sont élaborés en les faisant passer par 20000 personnes et c’est la moyenne des résultats de tout ces gens qui donnent la « normalité ». Tous les domaines de notre fonctionnement sont étudiés.

Je sais de quoi je parle, c’était mon travail (ce qui avouez-le s’avère être vraiment très drôle).

Je tiens à préciser que je ne connaissais pas les batteries de bilans que j’ai passés. Psychiatre, psychologue, neuropsychologue, psychomotricienne. C’est un diagnostic pluridisciplinaire, dans le respect des bonnes pratiques professionnelles. Dans mon travail, j’ai constamment défendu cette idée comme garante de la justesse du diagnostic et de l’accompagnement proposé, j’ai été rigoureuse pour moi-même, vous pouvez me croire. J’en suis arrivée là à force de ne pas prendre soin de moi, disons que là je n’ai que ça à faire (voire j’y suis un peu contrainte mais tout est question de choix et j’ai un besoin viscéral de comprendre les choses qui m’intéressent… même des choses qui m’intéressent pas des fois, ça m’arrive un peu trop souvent...)

J’ai d’autres trucs qui sont particuliers.

Mes sens sont plus exacerbés que ceux de tout le monde. Alors dit comme ça, ça fait genre « Oui... et alors ? »… alors, c’est fatiguant souvent et grisant aussi, comme quand j’écoute de la musique au casque. Je peux être terrassée par un excès de sollicitations sensorielles comme je peux tout autant m’autostimuler en écoutant de la musique très fort, ça m’apaise.

Je suis très tactile et pourtant il peut arriver que si on me touche, je ressente un truc très douloureux, intrusif, entre brûlure et électricité.

La lumière peut m’être douloureuse et les sons stridents sont un calvaire depuis le burnout.

J’ai la tête qui fonctionne tout le temps, à 3000 par temps serein et 10000 les jours de tempête intérieure… faut suivre je vous assure.

La musique forte calme ça, fortement. Elle canalise ce flot incessant de pensées et il m’est arrivé de ne plus pouvoir faire qu’écouter de la musique dans ces deux dernières années, quand je n’arrivais plus à penser.

Et puis, la musique ce n’est pas que ça, ça raconte des histoires aussi, ça crée des univers dans nos têtes, ça convoque des souvenirs, des personnes, des ambiances et des désirs… des peines aussi, et des sourires, même des rires. Je sais que ça au moins, je le partage avec beaucoup de monde, là je suis dans la norme.

Parce que sinon il s’avère qu’à 55 ans, l’an dernier, j’ai appris que je suis autiste, tout au bout du spectre de l’autisme, ce sont les « mots officiels » et ils ne manquent pas de poésie je trouve.

C’est comme ça, j’y peux rien.

J’en suis encore étonnée, émerveillée aussi, parce que c’est un incroyable retour sur toute ma vie, sur ce que j’ai ressenti depuis toujours, à des choses que j’ai appris à masquer, depuis toute petite.

Je détricote, je suis une apprenante de moi, tous les jours.

Le burnout que j’ai vécu a démonté le camouflage que j’avais construit depuis toujours, me laissant exposée à mes sens et mes particularités tels qu’ils sont, pour de vrai.

C’est une rééducation que je vis et j’aime infiniment ce que je découvre de moi et que je savais sans le savoir.

La playlist que j’ai partagée ce matin est une suite de moments durant lesquels je découvre toujours un petit peu plus de moi, de moments de joie pure, je vis tous les jours des instants de joie pure (il y a des moments difficiles aussi, ça serait trop simple si c’était que de la joie tout ça).

Je me reconnais et je suis heureuse de partager avec vous ma musique intérieure.

C’est vraiment un coming out, parce que certains auront tendance à le refuser ou à le réfuter, comme toute particularité, mais, si vous doutez, demandez-vous le nombre de fois où vous ne m’avez pas trouvée ajustée et vous verrez les failles de mon camouflage.

Comme je partage ma musique avec vous en ce 1er janvier, je vous dis qui je suis comme ça j’ai pas de camouflage à reconstruire, juste la partie qui me protège de mes sens exacerbés.

Et je débute cette nouvelle année en faisant mon coming-out, parce que je me souhaite d’être moi-même comme je vous souhaite une très bonne année.

Avec de la musique.



Lien de la playlist, à copier/coller si vous voulez :

https://www.youtube.com/playlist?list=PLWO5fTpyV1yvYaq9WPGsh7kAvGK23RXfX


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