top of page

Train de nuit



Un train, une nuit. Je peux tout modeler, voir un lac là où il y a une prairie et ne rien voir là où les choses sont si belles à voir. Autres limites, autres éclairages, autres dimensions. Quelques lueurs dans la prairie-lac, des formes indistinctes, des arbres aux feuillages qui se veulent d'automne. Un monstre hurlant qui surgit du néant, un autre train, la même nuit. Maisons sans histoires rendues impersonnelles par la pénombre. Dans le ciel noir-gris-gris, noir-lueurs-d'aube ou lueurs-de-cités. Tiens ! Encore un lac... à moins que ce ne soit une prairie. Et puis, souvenirs de caresses, plumes d'effleurements-fragilité, d'effleurements-sensibilité, d'effleurements-sensitivité. Une luciole sur la prairie-lac, une luciole sur ma peau. Observer de nuit alors que l'on est complètement étranger une lumière à une fenêtre est déjà pénétrer dans la vie des gens. Ceux-là, on peut leur créer un visage, une décoration, une mentalité, on peut... comme pour une voix au téléphone. Tiens, cette lumière allumée à 4h du matin. Le téléphone a sonné, ils se sont levés et se sont regardés tendrement et heureux quand sa voix a parlé. Elle est aux Etats-Unis, elle ne se rappelait plus l'existence des fuseaux horaires. "Excusez moi papa maman." "Non ma chérie, nous t'aimons, réveille nous plus souvent." Ou alors, ils vont tout simplement au boulot. J'aimerais être souris partout à la fois... et écouter. Murmures, drames, pets, rots, affections, rencontres d'une nuit, poursuite d'autres vies. Souris, je pourrais tout voir. Bas les masques. Ceux-là même qui bouffent les gens qui les portent, qui leur bouffent la tendresse qui les ferait se dévoiler, chacun le Plus Beau et l'Unique. Dans chaque être humain, il y a un coin de vérité. Dans d'autres villes, il y a d'autres histoires. D'autres histoires de gens qui aiment, haïssent, rencontrent, végètent... des gens qui vivent. Dans d'autres villes et dans celle-là aussi, il y a des gens qui fuient pour vivre ou pour se faire croire qu'ils vivent. La fuite. Tout peut être fuite. Ressentir à fond, rêves colorés, sensitivité à vif, vérité. Là est l'inverse de la fuite. Dans d'autres villes, il y a d'autres histoires. D'autres histoires identiques à la mienne. D'autres histoires... Où vont-elles ? Où va mon histoire ? Maintenant, je sais que ce que j'écris, j'ai envie de l'appeler "Repères". Repères, pour celui ou celle qui passera. Un train, une nuit.


(1985, j'avais 20 ans)


17 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Solange

bottom of page