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Photo du rédacteurCécile écrit parfois

Zinzinland 6 : Le dedans, réflexion professionnelle.



Le 15/11/2020


Cela fait plus de trois semaines que je suis ici.

Dans ce lieu étrange où je n’aurais jamais imaginé être amenée à passer presque un mois entier de ma vie.

De l’autre côté de la barrière que celui d’où j’avais déjà pratiqué ces lieux étranges au cours de mes expériences professionnelles.

J’y suis.

C’est mon tour.

J’ai passé presque un mois en HP.

Ici, deux disciplines se côtoient.

Une qui réunit des pratiques et techniques très innovantes : la neuromodulation et le traitement des syndromes post-traumatiques.

L'autre qui tient de la psychiatrie plus « classique » qui consiste à médicamenter les patients… fort, très fort, trop fort… et aussi les attacher… et aussi les enfermer.

Ici, c’est cette discipline qui a encore le pouvoir, le propriétaire des lieux est un de ceux qui médicamentent et qui enferment.

Nous sommes donc tous enfermés.

J’ai décidé de l’accepter, c’est ainsi et c’est ici seulement que je peux être soignée par neuromodulation.

Je joue donc le jeu des règles outrancières.

Mon médecin me respecte, les soignants me respectent, mais j’ai des ressources.

Je sais utiliser le dispositif et trouve ce qu’il me manquait pour avancer.

D’autres n’en sont pas là et j’observe des choses qui me gênent, des choses qui me révoltent, des choses qui me révulsent.

Pas simple de faire sa propre voie en ignorant ce qu’il se passe à côté de moi.

Je suis ma priorité.

Mais.

Je viens du côté de ceux qui soignent, de ceux qui on le pouvoir d’exercer leur toute-puissance.

On m’a appris à me regarder l’exercer, à poser des mots tels que «l’éthique » sur mes faits et gestes.

On m’a appris à faire preuve d’empathie pour ceux que j’ai accompagnés.

On m’a appris que je tenais leurs destins entre mes mains et que rien que ce simple fait m'obligeait à l’humilité.

On m’a appris que l’on pouvait s’user et qu’il fallait alors s’écarter.

On m’a appris des lois (trop récentes) qui «remettaient l’usager au coeur du dispositif».

On m’a appris que je travaillais avec des humains et que mon objectif, quel que soit leurs niveaux, était de les autonomiser.

On m’a appris que l’on pouvait faire des dégâts tout autant qu’accompagner.

Tout ça c’est la théorie.

Tout ça ce sont de très belles idées.

On ne sait pas ce qu’il en est d’être à cette place-là, celle du patient, du résident, de l’usager.

Maintenant, je le sais.

Cette expérience se vaudrait d'être partagée : tous les politiques (qui votent les budgets), tous les hauts fonctionnaires (qui sont garants des budgets et cadres votés), tous les membres de conseils d'administration et tous les directeurs d’établissements (qui décident du cadre budgétaire et théorique de vie des usagers (et dont j’étais)), tous les petits chefs pétris de savoirs de management (qui décident des projets de vie des usagers), tous les psychiatres (qui donnent sans aucune contradiction possible les traitements), ceux-là même qui dans un empilement dignes de poupées russes et dans un cadre théorique « éthique » ont toute liberté d’exercer de leur bon-vouloir, de leur arbitraire et de leurs bonnes intentions ("L'enfer est pavé de bonnes intentions") sur un public qui est au bout de cette chaîne et n’a souvent que sa colère pour résister ; tous ceux-là devraient être obligés d’y passer un mois dans ces «jolies maisons de santé».

Je gage qu’après, nous aurions d’autres moyens, d’autres budgets, d’autres contrôles, d'autres pratiques, une véritable éthique exercée…

Je ne pense pas qu’il y ait des « gentils usagers » et des « méchants soignants ».

Je pense qu’il y a simplement un trop libre cours à l’exercice du pouvoir sur les autres et trop peu de moyens alloués.

Je suis heureuse de vivre cette expérience.

Elle apporte encore plus de sens à ce que j’ai vécu.

Poil au cul !



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